Au cours de mes recherches, je suis tombé sur de nombreuses argumentations justifiant, voire encourageant les tatouages, en utilisant notamment les deux versets que je vais présenter ici. Je finirai avec un troisième entendu à plusieurs reprises, pour le citer. L’un des deux versets régulièrement utilisé est Esaïe 49,16 : « Voici, je t’ai gravée sur mes mains ; tes murs sont toujours devant mes yeux. »
En effet, nombreux sont les commentaires qui concluent que l’Eternel s’est gravé, ou encore « inscrit » des noms sur les mains, en d’autres termes, qu’il se serait tatoué. Or si Dieu peut le faire, cela signifierait que c’est moralement juste. Mais honnêtement, je n’y crois absolument pas. C’est une conclusion arbitraire qui néglige une vraie étude du verset et de sa signification.
Le mot hébreu haqaq que nous traduisons ici par « gravée » donne le mot hoq, une « loi ». Il est donc question ici d’un décret, une promesse de Dieu de conserver, « graver » son peuple Israël dans la paume de sa main. Cela renvoie d’une part prophétiquement aux cicatrices de Jésus qui sont le signe de notre salut, comme nous l’avons vu, et de l’espérance prophétisée à Israël, mais également au fait que nous avons en Dieu une infaillible sécurité. C’est ce que nous dit Jésus dans Jean 10,28-29 : « Je leur donne la vie avec Dieu pour toujours. Ils ne mourront jamais, et personne ne pourra les arracher de ma main. Mon Père me les a donnés, et mon Père est plus puissant que tout. Personne ne peut rien arracher de la main du Père. »
Lorsque nous donnons notre vie à Jésus, nous sommes dès lors placés dans les mains du Père, et comme dit le Seigneur, c’est un lieu sécure pour nous. Ce verset nous parle bien d’une sécurité de Dieu sur nos vies, pour notre salut, mais n’est aucunement une approbation des tatouages. Le deuxième verset généralement avancé est celui d’Esaïe 44,5 : « Celui-ci dira : J’appartiens au Seigneur ! Celui-là se réclamera du nom de Jacob. Cet autre écrira sur sa main : Appartenant au Seigneur, et il se parera du nom d’Israël. »
Pour commencer, notons que cette citation est tirée de la traduction NBS (Nouvelle Bible Segond) et non pas NEG (Nouvelle Edition de Genève) que j’utilise généralement, afin de mieux rendre compte des arguments que j’ai pu rencontrer. Vous lisez donc ici « cet autre écrira sur sa main ». Nous trouvons cette traduction « sur » dans quelques autres versions, autant en français qu’en anglais, et à en lire les articles, même de leaders évangéliques très connus, cela suffirait à justifier de se faire tatouer puisqu’il est question dans ce verset du peuple de Dieu et du fait d’écrire sur sa main.
Comme pour le verset précédent, il me semble que cette conclusion hâtive ne rend pas justice à ce que dit le prophète, d’autant plus que ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte hébreu original. Un mot essentiel de cet argumentaire est absent en hébreu, c’est le mot « al » que l’on traduit par « sur ». C’est le mot sur lequel repose toute la démonstration de ceux qui le défendent ! Une traduction littérale donnerait ceci : « et l’un, sa main écrira : A l’Eternel », ou comme le présente la version Darby « celui-là écrira de sa main : je suis à l’Eternel ». Ce dont parle le texte ici est une consécration, le fait de s’offrir à Dieu et de le certifier, comme par alliance ou en bas d’un contrat.
Enfin, un troisième verset, moins utilisé, mais néanmoins présent dans certains argumentaires est tiré de Galates 6,17 : « Que personne désormais ne me fasse de la peine, car je porte sur mon corps les marques de Jésus. »
Le mot stigma traduit par « marques » est un terme qui n’existe qu’une fois dans la Bible. Il était généralement utilisé pour parler de marques piquées ou inscrites au fer rouge, sur les esclaves et les soldats notamment, et qui renvoyaient à leur maître. Ici, il est grandement improbable que Paul parle de tatouage, mais plutôt des conséquences de son ministère pour Christ qui se manifestaient par des nombreuses blessures et cicatrices, traces indélébiles de sa consécration à Dieu jusque dans l’adversité. En effet, il fut roué de coups à de nombreuses reprises et même lapidé une fois et laissé pour mort (2Co 11,25). Comme il disait, il se glorifiait bien plus des afflictions (Romains 5,3) qui étaient sa marque d’appartenance à Christ, mais de là à extrapoler et parler de tatouage volontaire, je n’y crois pas une seconde. Il n’est pas impossible que des chrétiens des premiers siècles le pratiquaient, mais ça ne le rend pas pour autant légitime. Il suffit d’étudier un peu l’histoire de cette époque pour se rendre compte que l’assimilation aux peuples environnants était importante, même dans l’Eglise.
Je précise tout cela pour rappeler qu’on ne peut pas utiliser un verset seul pour justifier un point de théologie ou d’éthique chrétienne. Cela risquerait de nous faire tomber dans l’un ou l’autre de ces deux extrêmes : le laxisme ou le légalisme. Car une mauvaise traduction, un malheureux choix de mot ou une omission, pourrait alors nous faire faire ou croire n’importe quoi si l’on n’y prend pas garde. La Bible est un ensemble uni et cohérent, et il est important de prendre le temps d’y chercher les réponses à nos questions sans omettre les principes fondamentaux que Dieu nous révèle du livre de la Genèse à celui de l’Apocalypse de Jean.