Avant de développer les thèmes bibliques qui touchent à la question du tatouage, j’aimerais parler brièvement de la loi et de la grâce. Une remarque est souvent faite sur de tels sujets, c’est que « nous ne sommes plus sous la loi ». Qu’est-ce que cela signifie au juste ? Nous devons être capables de l’expliquer et d’en préciser les termes. On ne peut pas laisser ce commentaire planer sans de plus amples explications, puisque de toute évidence, nous sommes toujours soumis à des lois, à commencer par celles de ne pas tuer, de ne pas commettre d’adultère, d’inceste, etc.
Pour commencer, Jésus nous dit que toute la loi se résume à deux commandements : aimer le Seigneur de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre pensée, et aimer notre prochain comme nous-mêmes (Matthieu 22,37). Derrière ces deux-là se trouvent tous les autres, sans exception ! Lorsque l’on prend n’importe laquelle des lois que Dieu a données, nous pouvons la placer dans l’un ou l’autre de ces deux commandements essentiels, immuables, éternels. L’accomplissement de la loi est finalement résumé en un seul mot, l’amour (Romains 13,10). L’amour de Dieu, comme l’amour de notre prochain, doit plus que nous influencer, il doit littéralement conduire nos décisions et notre mode de vie.
Il est vrai néanmoins que nous ne sommes plus sous la malédiction de la loi, mais cette loi de Dieu est toujours sainte, juste et bonne (Romains 7,12) et elle demeure. Paul précise cette nuance dans 1 Corinthiens 9,20-21, lorsqu’il dit qu’il n’est pas sous la loi en comparaison des Juifs (comme moyen de justification, donc comme accès au salut), mais qu’il n’est pas non plus sans la loi de Dieu en comparaison des païens, c’est-à-dire sans cadre, sans règles à suivre en vue d’honorer sa sainteté. En tant que chrétiens, nous avons la responsabilité de l’engagement d’une bonne conscience pour Dieu, nous dit 1 Pierre 3,21, c’est-à-dire de rechercher à faire ce qui lui plaît plutôt que d’aller au gré des modes et de nos propres désirs. L’épître aux Romains nous offre d’ailleurs une excellente explication du rôle de la loi dans la Nouvelle Alliance : « Je n’ai connu le péché que par la loi. Car je n’aurais pas connu la convoitise, si la loi n’avait dit : Tu ne convoiteras point » (Romains 7,7b).
De la même manière, nous pourrions dire que nous n’aurions pas connu que le tatouage est un péché, si Dieu n’avait pas dit dans la loi de Lévitique de ne pas le pratiquer. Cela signifie que la loi diagnostique le péché, et nous avons besoin d’elle aujourd’hui encore pour cela. Mais finalement, qu’est-ce que le péché ? 1 Jean 3,4 la définit ainsi : « Quiconque pèche transgresse la loi, et le péché est la transgression de la loi. »
Ce que nous traduisons par « transgression de la loi » ou encore « iniquité » selon les traductions, est le terme grec anomia qui vient lui-même de a-nomos, littéralement « absence de loi ». Le péché est donc le fait de se soustraire à la loi, de vivre comme s’il n’y en avait pas, ce qui laisse entendre que nous ne pouvons pas ignorer ces lois de Dieu. Autrement dit, c’est le fait de se détourner ou de violer les normes et les commandements divins, que ce soit par les actes ou la pensée, par nos actions ou même notre consentement. Cela revient finalement à se détourner de Dieu lui-même, comme le dit David dans le Psaume 51,4a : « J’ai péché contre toi seul, et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux ».
Le péché s’oppose radicalement à la sainteté divine, et c’est pour cela que l’Eternel introduit ses lois par des impératifs tels que « Soyez saints, car je suis saint », afin de nous rappeler que les pratiques qui vont suivre rentrent dans cette catégorie, et qu’il nous faut nous en éloigner. Suivant ce principe, j’en conclue que les tatouages s’opposent à la sainteté requise.
Dans l’épitre aux Romains 7,14, l’apôtre nous dit une chose très intéressante, c’est que « la loi est spirituelle ». En effet, pour Dieu, le but de la loi n’est pas simplement de donner aux hommes une liste arbitraire de choses à faire ou ne pas faire. Ce qui lui importe, c’est sa dimension spirituelle, puisque c’est par ce biais, notre esprit, que nous sommes en communion avec lui. Le but de sa loi est de nous mettre à l’abri de tout ce qui pourrait être un obstacle à cette communion, notamment à cause de pratiques qui ont une vraie incidence spirituelle sur nos vies, bien que nous n’en comprenions pas toujours les tenants et les aboutissants.
Paul nous dit encore deux choses en 1 Timothée 1,8-9. La première c’est que « la loi est bonne ». En effet, venant de Dieu, il ne peut en être autrement. Elle nous révèle sa justice, sa sainteté et sa sagesse de manière unique. La deuxième chose, c’est qu’elle n’est « pas faite pour le juste ». En effet, qu’est-ce qui nous justifie aujourd’hui ? C’est le sang de Jésus (Romains 5,9). La loi ne peut donc pas nous justifier, à cause de notre nature pécheresse, mais à travers elle, l’Eternel nous montre tout ce qu’il faudrait accomplir pour être saint, théoriquement. Heureusement pour nous, Jésus a accompli toute la loi et les prophètes, et ce qui est accompli n’a plus à l’être. Mais elle continue de révéler en nous le péché, il nous faut donc la connaître pour nous en écarter.
Seulement la vie chrétienne ne s’arrête pas à la justification obtenue en Jésus-Christ. En effet, n’oublions jamais notre appel à la sanctification, « sans laquelle personne ne verra le Seigneur » (Hébreux 12,14). Il nous faut distinguer deux formes de sanctifications. Nous sommes sanctifiés par la Parole et par l’Esprit de Dieu, ce qui nous assure de pouvoir nous tenir en présence de Dieu : c’est ce que j’appellerais la sanctification acquise (nous n’y sommes pour rien). Et nous avons aussi un travail continuel et personnel de sanctification, de consécration, désirée par Dieu selon 1 Thessaloniciens 4,3a : « Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification ». C’est ce que j’appellerais la sanctification continue, qui dépend de nos choix et de la manière dont nous allons vivre notre vie.
Dans 2 Timothée 2,21, Paul nous exhorte aussi à nous conserver pur en nous abstenant de certaines choses. Il y a donc bien des pratiques qui nous souillent et dont il faut se garder. Et enfin, Jésus, sur ce même thème, dit ceci dans Apocalypse 22,11 : « Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore ; et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore. » Celui qui est justifié doit encore manifester dans sa vie la justice, et celui qui est sanctifié doit continuer ce travail de sanctification, conduit par l’Esprit et la Parole de Dieu, une œuvre continue et obligatoire. Cela se concrétise par l’obéissance.
Posons-nous donc cette question : si l’Eternel a appelé le peuple d’Israël à être saint, en conséquence de quoi il ne devait pas imiter les peuples environnants, notamment en ce qui nous concerne ici, par la pratique des tatouages et autres incisions dans la chair, devrions- nous aujourd’hui soudainement permettre ces pratiques ? Sont-elles plus acceptables pour l’Eglise de Dieu, également appelée à la sainteté ? Comme le chante David au Psaume 19,7-8 et 11 : « La loi de l’Eternel est parfaite, restaurant l’âme ; les témoignages de l’Eternel sont sûrs, rendant sages les sots. Les ordonnances de l’Eternel sont droites, réjouissant le cœur ; le commandement de l’Eternel est pur, illuminant les yeux […] Aussi ton serviteur est instruit par eux ; il y a un grand salaire à les garder. »
J’aimerais faire remarquer qu’il y a un souci de méthode que j’ai retrouvé dans de nombreux argumentaires, dans le fait d’utiliser l’un des versets qui précède pour justifier cette idée du tatouage, ou toute autre idée. Ça ne tient pas plus debout que d’utiliser alors aussi le verset qui suit, qui nous commande ici de ne pas prostituer notre fille pour la livrer à la prostitution… (Lévitique 19,29) Personne ne contredira cette loi ! Si nous en saisissons plus rapidement la logique et l’intérêt que d’autres passages moins évidents, croyons que Dieu a ses raisons lorsqu’il demande de ne pas accoupler ensemble deux espèces animales différentes, de ne pas ensemencer dans un même champ deux semences différentes ou encore de ne pas porter un habit tissé de deux fils de laine (animal) et de lin (végétal) ensemble (Lévitique 19,19 ; cf. Deutéronome 22,11).
La loi ne nous condamnera pas, certes, tant que nous sommes au bénéfice du sacrifice de Jésus, mais nous devons la méditer pour notre propre édification et reconnaître qu’il y a plus que ce que notre première lecture peut nous laisser entendre. « [Heureux l’homme] qui trouve son plaisir dans la loi de l’Eternel et qui la médite jour et nuit. […] Tout ce qu’il fait lui réussit. » (Psaume 1,2-3)